Comme nous l’avons évoqué en première partie, l’intelligence artificielle est en constante mutation depuis près de 70 ans. Les possibilités d’utilisation sont innombrables, et il ne tient qu’à nous d’en définir les contours. Dans cette seconde partie, nous allons nous intéresser aux diverses usages de l’IA dans le secteur du retail.
La data au service de l’IA générative dans le retail
Avant de se lancer dans l’exploitation de données tête baissée, il est primordial de savoir quoi faire, et comment. Il n’y a pas de stratégie particulière ou idéale ici. Il y a autant de stratégies que d’acteurs dans le secteur du retail.
Que faire de mes données, comment les organiser, lesquelles prioriser et à quelles fins ? Autant de questions auxquelles il est nécessaire de répondre en amont, afin de rendre cette technologie aussi efficace que possible pour son activité. La bonne nouvelle c’est qu’il n’y a pas de mauvaises réponses ici.
Une récente enquête montre que de nombreux acteurs du commerce de détail utilisent déjà l’IA d’une manière ou d’une autre pour la personnalisation de certaines communications, notamment la création d’e-mails personnalisés et de recommandations de produits.
Cela reste très basique certes, néanmoins nous allons voir qu’il s’agira surtout de perfectionner l’existant. Car on le sait, dans les métiers du commerce, la réussite dépend avant tout de la capacité de l’entreprise à écouter et prendre en compte la clientèle.
L’usage de l’intelligence artificielle dans le secteur du retail
Les champs d’actions tels que le service client, le marketing et l’optimisation de l’expérience client en magasin se hissent en tête des utilisations possibles de l’IA pour les enseignes du retail.
L’IA pour une personnalisation du service client
Le service client est le cas d’utilisation le plus populaire. Les enseignes ont déclaré vouloir utiliser l’IA pour envoyer des campagnes automatisées personnalisées aux clients. Cela sous-entend donc d’organiser les données collectées selon des objectifs précis.
Typiquement, une IA qui utilise le bon ton, avec le bon message à la bonne personne va permettre d’accroître ce sentiment de personnalisation. Produire du contenu marketing personnalisé peut par exemple se traduire par des descriptions de produits générées automatiquement, pouvant être adaptées aux préférences individuelles des clients, augmentant ainsi l’engagement et le taux de conversion.
Les Chatbots sont nos amis
Les assistants d’achat numériques constituent le deuxième cas d’utilisation le plus populaire. Utiliser l’IA générative pour rendre ces assistants conversationnels plus performants et faciles à utiliser, afin d’aider les clients à trouver les bons produits, présente une amélioration significative à réaliser pour cette application.
Le point bloquant ici pour l’instant est le manque de crédibilité de ces assistants virtuels, rendant la « conversation » lente et parfois non fructueuse. Une IA entraînée à des millions de phrases types, répertoriées avec différentes intonations, pouvant percevoir le niveau d’insatisfaction ou de « gravité » de la situation, lui permettra d’adapter son discours.
En réalité, si ce champ d’application devient une priorité et se développe, cette intelligence artificielle peut s’avérer redoutable, et pourrait avoir « réponse à tout ».
IA et optimisation des coûts de stockage
Côté point de vente, l’analyse de la demande en lien avec la gestion des stocks est un sujet central, où le traitement des informations par une IA assure l’optimisation de ces actions.
En analysant les données historiques de vente et en utilisant des techniques de modélisation générative, les enseignes peuvent dans une certaine mesure prédire l’avenir, en tout cas s’en rapprocher. Cela peut réduire les coûts liés aux surplus de stock et aux ruptures de stock, tout en améliorant la satisfaction client.
Un parcours d’achat optimisé
Une autre amélioration possible est l’optimisation de l’agencement d’un point de vente, basée sur des données telles que le mouvement à l’intérieur du magasin. À travers le suivi par caméra, des capteurs de mouvement installés à des endroits stratégiques, les signaux Wi-Fi et Bluetooth émis par les mobiles, ou encore l’analyse des données de caisse, vous pouvez véritablement cartographier vos points de vente.
Une fois que les données sur les mouvements des clients sont collectées, elles peuvent être analysées pour identifier des tendances, des comportements, et ainsi mettre en lumière les opportunités d’optimisation de l’agencement du magasin.
À ce titre, la sécurité est également un enjeu de taille, et peut faire l’objet d’un article dédié sur le sujet. Il est important de noter que le respect de la vie privée des clients est primordial lors de la collecte et de l’analyse de ces données, et que des mesures appropriées doivent être prises pour garantir la confidentialité et la sécurité des informations personnelles.
Autonomisation des consommateurs
Dernier exemple, lors des décisions d’achat en ligne : la comparaison des prix. L’intelligence artificielle augmente déjà la précision des comparaisons en ligne, rendant les consommateurs plus sensibles aux prix. Ce point va certainement perturber le secteur de la vente sur internet, simplement parce que cela accroît l’autonomisation des consommateurs.
Comme mentionné un peu plus tôt, tous ces usages s’apparentent à des innovations : on bonifie l’existant. Toutes ces données étaient pour la plupart déjà collectées, mais il n’était pas vraiment possible de les utiliser efficacement. Mais vous vous en doutez, nous pouvons aller bien plus loin que cela.
Et pourquoi pas « mon » IA ?
Il semble nécessaire de prendre un peu de hauteur, et de ne pas se limiter à un type d’application. En réalité, c’est l’ensemble du prisme de la création, qu’elle soit fixe ou animée, sonore ou visuelle, qui est actuellement redéfinie par les outils d’intelligence générative.
Est-ce que les entreprises du commerce de détail vont bientôt recourir à ce type d’IA dans leurs créations ? Absolument. La question est de savoir comment.
Imaginez un instant une entreprise développant en interne son intelligence artificielle générative, ayant pour unique objectif d’apprendre tout ce qui a été réalisé au cours de son histoire.
Toutes ses prises de parole, ses campagnes publicitaires, ses opérations de vente au détail par pays, par région du monde, en fonction des modes de vie et des cultures des différentes populations.
Une IA qui sait tout sur tout ce que l’entreprise a réalisé dans le domaine de la communication physique, virtuelle, en magasin, et ainsi de suite. Une base de données personnelle, unique, une empreinte de l’image de cette entreprise à travers les décennies.
Quoi de plus simple ensuite que de rédiger un script avec toutes les informations que l’on souhaite véhiculer. Le produit ou service, les couleurs, la texture, la promesse, le positionnement.
En somme, une équipe de communication et de marketing réunie en une seule entité, capable de produire du contenu de qualité, mais également réfléchi et conceptualisé. Et pourquoi pas même en tenant compte des opérations commerciales de la concurrence.
Et si vous vous posez la question, la réponse est oui, c’est quelque chose qui peut être réalisé dès maintenant avec les moyens actuels.
Au revoir les humains dans le retail ?
N’ayez crainte, un monde dystopique où Skynet prend le contrôle et renverse l’humanité est plus qu’improbable. Cette fascination, comme nous l’avons évoquée en première partie, provient de nous-mêmes et de nos imaginaires.
Rappelons également que l’IA générative produit avant tout des fantasmes, c’est-à-dire des choses qui, dans le réel, n’existent pas. Dit autrement, le niveau de gravité n’est pas très élevé puisque qu’un Chat Gpt que tout le monde connaît, s’apparente à de l’IA de loisir.
En revanche, pour des sujets plus sérieux, comme par exemple la détection de mélanomes par une intelligence artificielle spécialement entraînée pour cela (ça existe), la vérification humaine est une obligation au sens moral, et le sera pendant des décennies avant que notre confiance soit suffisante.
L’expérience client avant tout.
De plus, il ne faut pas perdre de vue que les relations humaines doivent plus que jamais être au centre de nos préoccupations. Encore une fois, ces IA sont ce que nous en faisons, et il nous appartient de ne pas être uniquement motivés par des considérations économiques. La performance est certes un sujet, mais l’histoire a largement prouvé que dans ces moments clés, les humains s’organisent et se réinventent.
L’exemple le plus parlant est celui des librairies indépendantes. À la fin des années 90, une certaine plateforme du nom d’Amazon pouvait réduire à néant ce secteur. Les médias de l’époque ne cessaient de répéter qu’il était impossible de faire face à ce géant de la vente en ligne, et que le métier de libraire vivait ses derniers instants.
Pour se démarquer, de nombreuses librairies ont choisi de mettre l’accent sur l‘expérience client et sur la valeur ajoutée qu’elles peuvent offrir dans le monde physique. Elles ont organisé des événements littéraires, des clubs de lecture, des rencontres avec des auteurs, des ateliers d’écriture, etc. Elles ont également mis en avant leur expertise en matière de recommandations personnalisées et de services de conseil.
Le résultat ? On n’a jamais autant compté de librairies indépendantes en France, le secteur se porte à merveille et enregistre plus d’ouvertures que de fermetures. Internet a rendu possible cette transformation. L’intelligence est ce que l’on en fait, elle est active et relationnelle.
Le monde plus qu’humain
Nous avons vraisemblablement encore beaucoup à apprendre de nous-mêmes avant de prétendre avoir réellement appréhendé notre création.
Dans l’exemple d’Alice et Bob mentionné dans la première partie, Facebook a décidé de stopper l’expérience là où étrangement elle devenait intéressante. Car les motivations étaient humaines, et se manifestent par la perte de contrôle et de compréhension de l’expérience. Et c’est bien tout notre problème en tant qu’humain.
Toutes ces choses que l’on écarte comme étant non-humaines forment un biais cognitif dont nous sommes à l’origine, alors que c’est bien de cela dont il s’agit ! On ne pourra pas ignorer indéfiniment l’IA, précisément parce que nous l’avons créée. Il va donc falloir un jour couper le cordon, et ne plus se considérer au centre de tout.
Cette réflexion nous ramène à nos démons aussi vieux que le concept de naturalisme. En réalité, c’est une affirmation : l’intelligence n’est ni exceptionnelle ni unique à l’humain. Il est impératif de parler des intelligences.
Et si la véritable question autour de l’IA n’était pas la façon dont elle nous fait concurrence, nous dépasse, ou nous supplante ? Et si, à l’instar de l’émergence de la théorie des réseaux, elle avait pour vocation de nous ouvrir les yeux et l’esprit à la réalité de l’intelligence comme quelque chose qui peut être pratiqué de toute sorte de manière fantastique, dont beaucoup dépassent notre propre compréhension rationnelle ?
Du blob aux poulpes en passant par le réseau mycorhizien des forêts, nous allons devoir aborder cette question en dehors de notre croyance en notre supériorité. Car c’est bien cette vision étriquée qui nous a conduits à traiter notre habitat comme nous le faisons.
À nous de reconnaître l’Umwelt de chaque espèce, – le « monde propre » – biologique ou électronique.
« Le monde plus qu’humain » David Abram.