C’est un terme qui, depuis un an et demi, est sur toutes les lèvres. L’IA, l’intelligence artificielle, une notion qui amuse certains par son caractère antinomique. D’autres sont tourmentés après des décennies de culture littéraire et cinématographique autour d’une science-fiction dystopique. Puis d’autres encore sont fascinés et enthousiasmés par les usages démesurés que cette révolution est en train de façonner.

Que nous soyons intéressés ou non par ce sujet d’actualité, nous allons quoi qu’il arrive être amenés à l’expérimenter, et peut-être, qui sait, à en dépendre dans certains usages.

De la même manière que l’arrivée de l’électricité pour éclairer nos rues à la tombée de la nuit, ou lorsque Internet s’est immiscé dans nos vies, l’IA est sur le point de marquer un nouveau tournant dans nos relations humaines et dans nos cultures.

Nous allons dans cette première partie nous concentrer sur la genèse de ce domaine de recherche. Un second article mettra en lumière les usages actuelles d’IA dans le secteur du retail.

Quelle est la définition de l’intelligence artificielle ?

Pour commencer, ce sujet ne date pas d’hier. Dès la fin des années 50, c’est le terme de connexionnisme, ou la métaphore du cerveau, qui devient la base sémantique de ce nouveau domaine de recherche. Et c’est Franck Rosenblatt en 1957 qui, en se basant sur les travaux du physiologiste Donald Hebb, imagine et construit un algorithme d’apprentissage supervisé appelé perceptron

Les débuts de l'IA : Perceptron
Perceptron

C’est le premier système artificiel capable d’apprendre par expérience, y compris lorsque son instructeur commet quelques erreurs (ce en quoi il diffère nettement d’un système d’apprentissage logique formel).

On parle alors de réseau de neurones artificiels pour désigner des machines qui apprennent. On pense qu’en créant un ordinateur avec suffisamment de connexions, peut-être autant que dans le cerveau humain, il manifestera de l’intelligence comme par enchantement.

Ce qui, d’une certaine manière, est en partie vrai. Si l’on construit un réseau neuronal, c’est-à-dire un système informatique avec une énorme quantité de petites connexions, il peut alors réaliser des opérations très complexes ou des tâches précises telles que le tri, le calcul, la classification, l’analyse d’images etc. Car il peut reconnaître et associer des milliers de petits détails.

En 1968, « The Thinking Machine », un film éducatif de la compagnie Bell, présentait l’ordinateur de la manière suivante : « Une addition ingénieuse de matériel électronique a été créée par l’Homme. C’est aussi lui qui crée les programmes qui font de l’ordinateur l’outil utile qu’il est ».

La machine est donc très bonne dans ce domaine, dans cette intelligence. Mais seulement dans ce périmètre, ce qui lui confère de facto un usage restreint à celui que l’on a décidé (programmé) initialement.

L’IA selon les hommes

L’intelligence n’a pas de définition simple ou arrêtée, car même encore aujourd’hui c’est une approche avant tout anthropocentrée qui est proposée. Mais simplifions les choses, l’intelligence c’est “ce que les humains font”.

Dans ce contexte, l’IA est donc le reflet de notre rapport à nos actions, nos accomplissements, notre histoire commune, etc. Et ce que l’on entreprend dans le domaine de l’IA est étroitement lié à notre vision de la vie, notre manière d’aborder le monde qui nous entoure. Naturellement, les premières prouesses se sont manifestées dans notre obsession à gagner des matchs.

Bien avant la tendance actuelle de l’IA générative, l’intelligence artificielle s’est concentrée sur les échecs, ou le Go par exemple. Nous nous souvenons tous en 1997 de la partie d’échecs entre Kasparov et l’ordinateur IBM, Deep Blue. Une tonne et demie de machine conçue par des dizaines d’humains, entraînée pendant des milliers d’heures avec pour unique objectif : gagner.

À cette époque déjà, le sujet était largement discuté : est-ce que battre un humain était la meilleure façon de prouver que les ordinateurs pouvaient être intelligents ? N’avons-nous pas intérêt à focaliser notre énergie sur la construction de systèmes vertueux ?

C’est néanmoins dans cette direction que les investissements privés vont poursuivre leurs efforts.

L’IA d’entreprise

Si l’on fait un saut dans le temps, les avancées techniques des vingt-cinq dernières années dans ce domaine se regroupent principalement sur la miniaturisation des composants physiques, avec la construction de nano puces très performantes pour certaines applications.

Mais en réalité, la vraie révolution est politique et sociale. Car depuis plusieurs décennies, ce sont les GAFAM qui, en collectant des quantités colossales de données utilisateurs associées à leur offre commerciale, mènent la danse.

Leur puissance financière assure l’acquisition d’ordinateurs toujours plus performants, permettant de traiter ces données que l’on peut qualifier d’infinies. C’est sur cette donnée que s’appuie ce type d’intelligence bien particulière. L’écrivain et chercheur britannique James Bridle parle d’intelligence artificielle d’entreprise, car elle est avant tout le fruit d’une vision entrepreneuriale.

L’IA dominante est donc celle produite par les géants d’internet, celle de la reconnaissance faciale, de l’arbitrage financier, des systèmes de défense autonomes. Mais pas seulement.

Alice & Bob

Souvenez-vous en 2017 de cette expérience sortant du champ de pensée menée par Facebook. Deux réseaux neuronaux, deux chatbots, avaient à leur disposition un stock d’objets fictifs à troquer, afin d’observer leur capacité de négociation.

Des résultats étonnants en sont ressortis. 

D’abord, ces deux entités étaient dures en négociation (bien plus que nous), elles savaient jouer la carte de la tromperie afin de laisser croire que tel ou tel objet était intéressant. 

Ensuite, ces deux systèmes automatisés ont très rapidement décidé de créer leur propre langage, car rien ne l’interdisait dans le code. 

L’expérience a été arrêtée assez vite, à partir du moment où nous, les humains, étions simplement incapables de comprendre ce qu’il se passait. 

IA et expérimentation : Alice & Bob
Alice & Bob

Cette expérience nous renvoie à notre intelligence et à tout ce qui a été réalisé auparavant. On a beau construire une boîte, une sorte de contenant avec la définition et les applications de l’IA à l’intérieur, en réalité, nous ne savons pas vraiment ce qu’il y a dedans ni jusqu’où un système autonome peut aller.

Cette sortie de piste incontrôlée n’est pour l’instant pas celle désirée, et ce sont les applications commerciales qui poursuivent le chemin de départ.

La progression fulgurante de l’intelligence artificielle générative

Revenons à notre époque. Où en sommes-nous ? Il est question de l’intelligence artificielle générative, qui se réfère à la capacité de créer du contenu textuel, sonore, visuel ou vidéo en se basant sur la rédaction d’un prompt élaboré par un humain (pour l’instant).

Cependant, une dimension importante se présente aujourd’hui : la progression et la multiplication exponentielle des outils d’IA générative.

Il suffit de remonter quelques mois en arrière, par exemple en février 2023, pour constater la rapidité avec laquelle les certitudes s’évanouissent. À cette époque, de nombreux médias se réjouissaient et s’amusaient à constater que les modèles de génération d’images basés sur des scripts avaient encore du chemin à parcourir avant de nous inquiéter.

Notamment, les mains, avec une multitude de doigts, donnaient des résultats grossiers et irrecevables pour tout projet. Et voilà qu’en moins d’un an, ce sujet n’est tout simplement plus d’actualité.

IA générative
IA générative

Si vous n’êtes toujours pas convaincu, constatez par vous-même la progression du moteur Midjourney en à peine 20 mois (voir image). Nous sommes passés de John Brock à John Wick en moins de temps qu’il ne lui faut pour venger son chiot.

Evolution de l'IA générative
Evolution de l’IA générative

Après avoir fait un tour d’horizon de ce qu’est l’IA selon les hommes actuellement, nous allons aborder en seconde partie la place de l’IA dans le retail. À la semaine prochaine !