Certaines marques et groupes nés en ligne ont ouvert la voie à un nouveau modèle hybride afin de dépasser le cap du digital au profit d’emplacements physiques et en propre. Les meilleurs exemples proviennent sans doute de l’autre côté de la Manche, où les plateformes et acteurs du Luxe en ligne ont désormais pignon sur rue.

De nouveaux emménagements

Pas n’importe où. Il s’agit de vénérables institutions, remaniées ou restaurées pour certaines, entièrement créées pour d’autres. Dans le très chic quartier londonien de Mayfair, des hôtels particuliers ont vu le jour : celui de MatchesFashion en 2018 sur Carlos Place – face au prestigieux Hôtel Connaught – et le récent déménagement de Browns Fashion – le collectif mode racheté par Farfetch en 2015– sur Brook Street, à quelques pas de Claridge’s.

Un autre emménagement avait fait grand bruit, celui de Browns East où une ambiance plus pointue, entre installations temporaires et sélection de designers plus étendue, ont permis de partir à la reconquête d’une clientèle plus jeune (dans le quartier de Shoreditch). Leur dernier déménagement a été tout autant salué, aussi bien pour son design audacieux que la diversité des services proposés dans ce concept du « magasin du Futur ».

Browns

Le digital aux commandes

L’assortiment est commandé voire totalement gouverné par les ventes en ligne. La boutique en ligne influence en profondeur ; elle semble même dicter la présence d’un article en rayon. Une analyse poussée du trafic et des ventes combinée à une mise en avant des marques les plus performantes nourrissent les collaborations à venir autant qu’ils déterminent les mises en rayon et emplacements temporaires. La frontière entre les étagères/ rayons virtuels et physiques se réduit en faveur d’un lieu hybride, où l’offre online vient renforcer la sélection de produits proposée ‘offline’.

Cette vision vient servir une quête des retailers dans la poursuite absolue de disponibilité(s) et de facilité : si les clients disposent de temps, il n’en demeure pas moins précieux. La possibilité d’obtenir une sélection plus exhaustive et exclusive dans un seul endroit répond aux besoins et désirs de certains shoppers.

À cet égard, les cabines connectées jouent un rôle clef puisqu’elles assurent l’adéquation entre l’offre physique et la disponibilité des produits/ tailles/ coloris en ligne. Les écrans exercent un rôle non seulement actif mais également informatif ; leur apport tout au long de l’expérience n’est plus à prouver : changer de taille ou de couleur, commander un autre article le tout en un seul clic depuis le salon d’essayage.

La vision du magasin du futur semble se définir par une certaine ambivalence.

De là surgit la nécessité de repenser les espaces physiques sous le prisme du digital…

Une mise en scène changeante

L’espace se fait changeant, avec des thématiques renouvelées à un rythme ambitieux. Les différents espaces de l’hôtel particulier Matches Fashion sont modifiés chaque mois dans la perspective de mettre en lumière une scénographie inhabituelle. Pour ce mois de juin, Carlos Place accueille le Marni Market, où la marque italienne dévoile des accessoires et pièces de mobilier inédites dans un environnement qui fait la part belle à un décor intérieur-extérieur. D’ailleurs, le vert continue de s’inviter dans les intérieurs, au point de substituer la moquette de l’escalier principal par du faux gazon.

Une temporalité plus courte s’immisce de plus en plus dans la vie en magasin : les boutiques, les collaborations et installations temporaires forment partie intégrante du nouveau paysage des temples du shopping urbain que sont notamment les grands magasins.

Redéfinir les vitrines, les départements, participer au changement d’expérience ; telle est la promesse des expositions tournantes et emménagements mensuels/ saisonniers. Comme une invitation à retourner en boutique, où l’inattendu et la découverte rivalisent à travers la richesse de collaborations commerciales ou non : inviter un artiste, délivrer la vision d’un designer… L’art continue d’occuper un rôle central et draine un surcroît de trafic. Il attire.

Empires des sens

Le sensoriel n’est pas en reste. Même si la scène de la restauration a été malmenée par la crise sanitaire, l’offre gustative reste primordiale : d’un simple café au menu griffé, des grands noms aux concepts plus confidentiels, chaque lieu tient à proposer un lieu d’échange, de convivialité à travers une offre culinaire variée. La Samaritaine a décalé son ouverture de fin mai à la mi-juin afin d’être en mesure de dévoiler toute la diversité de sa scène gastronomique. Cette dernière s’est adaptée aux nouvelles conditions : des solutions itinérantes ont vu le jour, tels que les food trucks et autres bars à jus.

Enfin, l’olfactif et le son demeurent des acteurs majeurs puisqu’ils viennent parachever la création d’une ambiance musicale et olfactive personnalisée. Les rayons de soleil pénètrent dans le Bon Marché sous la forme de pop-ups parfumés végétalisés comme le Bee Garden de Guerlain. Sous la trémie centrale parfumée du grand magasin, le son des cigales fait écho à un Sud plus ou moins lointain…

Guerlain

Les espaces commerciaux surfent sur la dernière vague ; de celle qui amène des produits et services différents, plus innovants, dans un délai toujours réduit et dans un maximum d’endroits choisis en fonction des critères suivants : disponibilité, facilité, nouveauté, pertinence, visibilité artistique…